« On n'enseigne pas ce que l'on
sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce
que l'on est. » Ainsi s’exprimait, à la tribune de la Chambre des Députés,
le 21 janvier 1910, le député Jean Jaurès. En ces temps héroïques de
sécularisation de la société française, l’orateur tarnais défendait l’idéal
laïc de l’école de la République, encore et toujours harcelé par les partisans
d’une Église qui ne digéraient pas l’institution d’une école « sans
dieu ».
Aujourd’hui, les bannières des uns et
des autres ont été remisées, et les regards portés sur l’école par tout un tas
de spécialistes (ou autres professionnels de la profession) cherchent plutôt à valider
la pertinence de l’assise pédagogique sur laquelle l’institution scolaire tente
de trouver son équilibre.
Mais, de questionnement initial et
fondateur, de réflexion essentielle et déterminante, on ne trouve pas
véritablement de traces. Apprendre
est pourtant une expérience humaine suffisamment complexe et lourde de
conséquences (pour les individus comme pour la collectivité) pour envisager que
la finalité de l’école soit précisément étudiée.
Jaurès l’avait compris. Penser l’école,
ce n’est pas d’abord disserter sur ce
qu’il faut savoir ou pérorer sur comment acquérir ce qu’il y a à savoir.
C’est s’interroger sur l’Homme, c’est se préoccuper de la valeur de l’humain dans notre conception du monde et
songer aux engagements qu’implique ce questionnement. Et notamment à la
responsabilité éducative des institutions chargées d’évoquer cette vision du
monde aux plus jeunes citoyens.
Cela signifie, à coup sûr, que les
maîtres d’écoles ne sont pas que des
transmetteurs de savoirs, et surtout pas d’un savoir normatif et labellisé.
Alors bien sûr, bâtir cette école-là, c’est
un tout autre chantier ! On n’y travaille pas les mêmes matériaux.
L’effort à consentir est d’une nature très différente. Car enseigner ce que l’on est exige une haute idée de ce que représente
la connaissance, et une compréhension précise des enjeux sociaux concernés.
C’est peut-être ça qui manque un peu à l’actuelle
refondation de l’école, un élan « spirituel » !
Il faut rappeler que spirituel n’est pas une grossièreté, ça
veut juste dire qu’il faut penser. Et
probablement, avant tout, penser à ce que l’on est.